Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Derechef
Derechef
Archives
15 janvier 2008

MARDI PHILO - I

Désormais, tous les mardi (s) (? - ça, j'ai jamais su si on mettait un "s" aux jours de la semaine au pluriel); donc, nous prendrons un point de l'actualité pour faire un point de philosophie. Peut-être cela permettra-t-il à chacun, d'une part, d'étendre un peu sa culture philosophique, d'autre part, de lire et de décrypter l'actu avec un peu plus de recul et d'esprit critique, en cette période où la non-pensée unique est dominante.

J'y pense, notamment dans le bus et le métro, lorsque je vois tous les voyageurs lire le même journal que l'on distribue dans la rue: matin plus et direct soir. On sera peut-être étonné (ou peut-être pas), en apprenant que ces deux journaux appartiennent au groupe Bolloré, le copain de Sarkozy. Image un peu effrayante d'un peuple qui croit s'informer, et qui lit, comme un seul homme, la même information, émanant du même pouvoir.

C'est justement ce dont je voudrais parler aujourd'hui. Le sujet de ce mardi sera:

Nicolas Sarkozy selon Karl Marx

sarko_yachtDepuis quelques temps déjà, on connait les fastes de la vie présidentielle, relayés par les médias: les vacances du président, la soirée de sa victoire au Fouquet's, son augmentation de salaire de 173 %, etc. On a eu vent, aussi, des privilèges accordés, plus ou moins légalement, à tous ceux qui sont ou ont été proches du pouvoir, qu'ils soient de droite ou de gauche, à commencer par les indémnités que les députés se sont votées, jusqu'au loyer du directeur de cabinet de Christine Boutin, qui ne voit "aucune raison objective" de quitter son appartement.      

Alors, beaucoup se révoltent et s'étonnent, avec l'impression que le pouvoir est aux mains d'une classe de riches, qui se fout pas mal des problèmes des pauvres. Mais ce n'est pas faux. Et il n'y a pas lieu de s'étonner.

On comprendra mieux ce phénomène en relisant Karl Marx, lorsqu'il parle de l'Etat. Qu'est-ce que l'Etat? C'est, pensons-nous, le pouvoir institué sur un territoire donné, qui doit veiller, au mieux, au bien commun d'une société, au pire, à la coexistence de ses membres. La plupart des gens pensent que l'Etat est un pouvoir impartial, détaché des intérêts d'individus ou de groupes particuliers. C'est d'ailleurs ce que rappelait Nicolas Sarkozy après son élection, en indiquant qu'il voulait être le président "de tous les Français". Et, en général, lorsqu'un parti remporte des élections, il affirme que c'est la France qui gagne. Par suite, les ouvriers ou salariés qui ont voté Sarkozy parce qu'il leur avait promis d'améliorer leurs conditions de vie (en gros), se disent (au moins) déçus, lorsqu'ils constatent quel système est mis en place: allègement fiscal pour les plus riches, franchise pour les soins médicaux de tous, etc. On se dit qu'on s'est fait avoir, et que le Président et ses ministres se contentent d'imposer des règles qui servent les intérêts particuliers de leur classe sociale, au lieu de servir l'intérêt général.

Mais en vérité, il n'y a peut-être pas lieu de s'étonner.

Dans L'idéologie allemande, une oeuvre de jeunesse écrite avec Friedrich Engels en 1845, Karl Marx (1818-1883) définit déjà l'Etat comme une illusion. En général, nous pensons que l'Histoire, notamment politique, se joue dans un noeud complexe de causes diverses, plus ou moins profondes et plus ou moins accidentelles. Par exemple, on peut penser que la Révolution Française de 1789 s'explique autant par le mouvement des idées (notamment celles des philosophes des lumières), que par l'évolution des mentalités (du peuple qui ne supporte plus la monarchie et aspire à plus de liberté), et aussi, par des causes politiques, économiques, etc. Par suite, on peut penser que l'action politique peut avoir un effet et changer quelque peu la société, ou encore, que l'on peut "faire bouger les consciences", par exemple, en incitant les jeunes de banlieue à aller voter.

Mais la philosophie de Karl Marx est un matérialisme historique, ce qui signifie qu'il n'admet que des causes matérielles pour expliquer le cours de l'histoire, et en particulier des causes économiques.

"Causes économiques", ça veut dire quoi ? marx2

L'économique, c'est tout ce qui a à voir avec la recherche des moyens d'existence. Karl Marx affirme que le point de départ de l'Histoire humaine, et tout ce qui en explique le déroulement, c'est la manière dont les hommes assurent leurs moyens d'existence : manger, se loger, se défendre, bref, assurer sa survie. Et c'est cette seule cause qui explique l'organisation de la société, notamment les inégalités homme/femme, ville/campagne, bourgeoise/prolétariat. En effet, puisque c'est en société que l'on assure ses moyens d'existence, on doit bien s'organiser et répartir le travail. Par suite, cette division des tâches entraîne des différences sociales entre les individus. Il y a des riches et des pauvres.

Ce ne sont pas les idées, les consciences et encore moins les décisions libres d'individus qui changent la réalité sociale et historique. Pour le matérialisme historique, la seule cause de l'organisation de la société, c'est l'économie. Cela signifie que la pensée politique, la pensée philosophique, les arts, les mouvements intellectuels, la religion et toutes ces choses qui font une culture, ne sont que les expressions, les reflets de l'organisation économique :

"La production des idées, des représentations, de la conscience est d'abord directement mêlée à l'activité et au commerce matériel des hommes : elle est le langage de la vie réelle (...). Il en va de même de la production intellectuelle telle qu'elle s'exprime dans le langage de la politique, des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc." (L'idéologie allemande, Nathan, "les intégrales de philo", pages 43-44).

Et l'Etat dans tout ça?

On pourrait penser qu'il est justement là pour rétablir un peu l'équilibre (comme le pensait d'ailleurs Hegel, que Marx suit et critique). C'est vrai, que l'on soit riche ou pauvre, on a tous les mêmes droits et les mêmes devoirs! Ainsi, l'Etat serait un pouvoir indépendant des intérêts particuliers, qui permettrait d'assurer l'intérêt général. Mais on l'a compris, ce serait croire qu'il peut y avoir d'autres causes que des causes économiques à l'organisation de la société. Pour Marx, l'Etat n'assure pas le bien commun, pour la simple et bonne raison que les rapports sociaux ne sont définis que par l'économie qui, par définition, crée des inégalités sociales. L'Etat, comme tous les autres éléments de la culture est un reflet. Il est une illusion. C'est l'illusion de l'intérêt général qui permet à la classe dominante (la bourgeoisie à l'époque de Marx) d'asseoir son pouvoir.

Les choses se présentent ainsi : la bourgeoisie est la classe dominante en tant qu'elle possède les moyens de production (c'est-à-dire qu'elle est la plus riche). C'est donc elle qui "domine" de fait, pour des raisons économiques, la classe dominée, c'est-à-dire celle des travailleurs (le prolétariat à l'époque de Marx). Elle la domine, parce qu'elle l'emploie. Marx compare même cela à de l'esclavage : disposer de la force de travail d'autrui, c'est bien en faire son esclave. On travaille pour les intérêts de Bolloré, de Total, etc. Mais on n'en récolte pas les fruits: c'est Bolloré, Total, etc. qui en profitent.

Qu'est-ce que l'Etat ? C'est l'instrument du pouvoir de la classe dominante, qui crée l'illusion du bien commun, afin que la classe dominée ne bronche plus. "Ne vous révoltez pas, on s'occupe de la justice sociale." Les gouvernants qui sont aux mains de l'Etat font croire (et croient eux-mêmes) qu'ils agissent de manière autonome et indépendante, dans le seul souci de l'intérêt collectif. Ils font ainsi croire que ce à quoi sont soumis les gouvernés, c'est à un pouvoir qui n'est pas dépendant d'intérêts particuliers. Ils font croire qu'ils oeuvrent pour le bien commun. Mais en réalité, c'est leur pouvoir économique qui s'exprime ainsi, et qui n'a rien d'indépendant. En réalité, le pouvoir auquel sont soumis les prolétaires ou travailleurs (ou tout ce qu'on voudra), c'est un pouvoir économique. L'Etat, en tant que pouvoir politique n'existe donc pas, c'est une idée. L'idée que se fait la société sur le pouvoir qui la dirige.

Pas étonnant, donc, que les gouvernants fassent des lois qui servent leurs intérêts particuliers et nuisent aux intérêts des classes dominées. Ce qui est idiot, pour Marx, c'est d'avoir cru qu'il en était autrement. Et en réalité, il n'y a pas de différence entre Sarkozy et Bolloré. Ils sont de la même classe, ont les mêmes intérêts et exercent le même pouvoir. A la différence que Sarkozy est un peu "délégué" par sa classe, pour incarner un pouvoir politique qui n'existe pas.

Mais tout ça, c'est pas moi qui le dis, c'est Karl Marx!         

 

Publicité
Commentaires
A
il en a écrit des choses sur le prolétariat, dont non seulement il ne faisait pas partie, loin s'en faut, mais dont en plus il exploitait les fruits du travail sans vergogne aucune! Marx n'avait pour sel revenu que Engels qui en tirait d'une usine hérité de papa (grand méchant bourgeois exploiteur) et qu'il a dirigé dans la radition familial (d'un grand méchant bourgeaois exploiteur, donc). Tout ca pour dire que Marx, Engels et Sarkozy (pourquoi pas) même combat: faites ce que je dis, regardez-pas ce que je fais!
G
C'est bien de voir un gars intelligent qui retient l'essentiel d'un article!
C
(mode private joke on)<br /> Ouah, l'autre, il écrit mardi sans "s"...!<br /> (mode private joke off)
Publicité