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Derechef
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16 janvier 2008

Dieu, Carla Bruni et le phlegmon

dieuLors de sa tournée dans le Moyen-Orient, Nicolas Sarkozy a profité d'une date à Ryad pour y proférer un discours dans lequel il a fait par treize fois référence à Dieu, "Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le coeur de chaque homme" (ah ? bon...). Auparavant, lorsqu'il s'était rendu à Rome pour y présenter Jean-Marie Bigard à Benoît XVI, et dans la foulée y fêter son titre de Chanoine honoraire de Saint-Jean-de-Latran qui lui donne le droit ridicule et hygiéniquement douteux d'entrer à cheval dans une Basilique, Nicolas Sarkozy avait fait savoir qu'il était temps "d'assumer les racines chrétiennes de la France" (admettons, encore que...), que "la France a besoin de catholiques convaincus" (pour en faire quoi ? que risque la France si elle n'a pas de catholiques convaincus à sa disposition ?), mais encore que "l'instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé"  (?????).

Rappelons-le, Nicolas Sarkozy n'est pas n'importe qui. Nicolas Sarkozy est le chef d'un état constitutionnellement laïque. La France. Etat constitutionnellement laïque, au même titre que Cuba, l'Inde, le Japon, le Mexique, le Portugal (encore que pas tout-à-fait), l'Uruguay et la Turquie, je crois que c'est tout, mais je peux me tromper. Club assez restreint, en tout cas. Nicolas Sarkozy est donc Président de la République d'un pays qui a inscrit le mot laïque en septième place dans sa constitution, ce qui n'est pas rien.

Certains défenseurs de la laïcité (défenseurs dont il faut se méfier de la tendance au fanatisme, si l'on se réfère au discours de Latran évoqué précédemment) s'émeuvent de ce qu'une personne occupant une telle fonction dans un tel état puisse truffer ainsi ses discours publics de références à Dieu et surtout de prêter ainsi allégeance à la religion catholique. Ne nous le cachons pas, je suis de ceux-là. Entendons-nous bien, je respecte la foi d'autrui, même si je ne crois pas en Dieu. Lorsque je me retrouve dans une église, j'éteins mon téléphone portable, je parle bas lorsque je dois parler, et si le prêtre lors d'une cérémonie demande aux gens de respecter le silence pendant un moment, je ne pipe mot (ce qui n'est pas nécessairement le cas de tous les dévôts de l'assistance, mais passons) jusqu'au contre-ordre. Et dans ce billet, je m'efforce d'écrire systématiquement Dieu avec une majuscule, ce qui n'est pas dans mes habitudes, mais je ne veux vexer personne. Je suis, disais-je, des défenseurs de la laïcité qui s'émeuvent de la publicité que notre président fait de sa foi. Mais je ne m'en étonne pas.

sarkoLa laïcité à la française, en théorie, c'est quoi ? Si j'ai bien compris, ça signifie que l'état n'est en aucune sorte inféodé à aucune religion, qu'il n'en privilégie aucune, et que chacun est libre de vivre la foi ou l'absence de foi de son choix et de pratiquer décemment le culte qui lui est relié. Et aussi que la religion, ou l'absence de religion, relève de la sphère privée, c'est-à-dire par exemple qu'il est interdit lors d'un recensement de demander aux gens leur religion. Cela n'interdit évidemment pas à un citoyen, en tant qu'homme, de révéler sa position par rapport aux questions spirituelles (encore qu'on ne soit pas à l'abri d'un retour du délit de blasphème...). On comprendra ici que Nicolas Sarkozy a le droit d'être catholique, qu'il a le droit de le dire (encore qu'a mon sens il aurait plutôt le devoir de ne pas trop la ramener à ce sujet compte-tenu de sa fonction, mais passons...), mais que le Président de la République, lorsqu'il affirme que "la France a besoin de catholiques convaincus" frôle l'anticonstutionnalité. Notons aussi que quand il prétend que "l'instituteur ne pourra jamais remplacer [...] le curé", cela laisse rêveur quant à son opinion sur l'utilité de l'Ecole (si je mets une majuscule à Dieu, je ne vois pas pourquoi l'Ecole en serait privée) en tant qu'institution, mais là n'est pas la question.

Je disais donc que je ne m'étonnais guère des sorties du Président de la République à ce sujet. Car, on l'a vu, le religieux relève dans notre République strictement de la sphère privée. Or le Président Sarkozy a érigé en principe la publicité de sa vie privée. Principe parfois commode, car il permet d'éclipser lorsque le besoin s'en fait sentir le débat sur la chose publique. Ainsi, Kadhafi et Carla Bruni.

valdegraceEn certaines occasions toutefois, Nicolas Sarkozy ne fait pas publicité de sa vie privée. Ainsi, l'évènement de son hospitalisation au Val de Grace, pour une opération bégnine, n'a pas été révélé d'une façon par lui contrôlée. Et, ceux qui seraient tentés de me taxer d'antisarkozysme primaire en seront surpris, pour le coup je ne m'en émeus pas. Sur le principe, je dirais même qu'il a eu raison de ne pas vouloir en parler. On ne va pas exiger que l'Elysée fasse publier des dépêches au moindre ongle incarné. Cependant il y a tout de même là deux poids deux mesures. Et si Nicolas Sarkozy souhaite réellement que l'on croie à sa volonté de transparence à tout crin sans voir malice ou manipulation à chaque publication de dépêche pipol le concernant, alors il faut tout dire.

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