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11 novembre 2007

Principes de la philosophie d'Evelyne THOMAS

Introduction: "identité et apparence."

evelyne_thomas_reference

Identité et apparence sont les deux grands principes de la philosophie thomassienne, dont nous nous proposons d’étudier les rapports. L’identité, en tant que concept positif, et l’apparence, en tant que concept négatif. En effet, si la pensée d’Evelyne Thomas demeure difficile à comprendre d’un point de vue théorique, on doit reconnaître sa valeur axiologique. D’une part, elle affirme que l’identité est non seulement un concept, mais la valeur qui fonde toute autre évaluation métaphysique et morale, d’autre part, elle rejette absolument l’apparence, et y voit un peu – mais pas beaucoup - ce que Plotin appelait la « matière », c’est-à-dire la part d’obscurité irréductible que laisse autour d’elle la lumière qui éclaire le monde et les choses – cela dit, il n’est pas certain qu’Evelyne Thomas pense à Plotin.

Chacun connaît les deux affirmations centrales de la philosophie thomassienne, qu’il a retenues dès l’école primaire, au même titre que la loi de l’inertie, et qui sont aussi évidentes que celle-ci : la somme des trois angles d’un triangle est égale à deux droits.

« Ce qui compte, c’est de rester soi-même », affirme le principe d’identité, et « on ne doit pas juger selon l’apparence » affirme le principe d’apparence (ou de non-apparence, si l’on insiste sur l’impossibilité logique de fonder ses jugements sur l’apparence).

La pensée thomassienne constitue sans doute le système philosophique le plus cohérent, le plus discutable aussi, mais c’est sans doute au regard des commentaires et débats qu’elle suscite qu’une grande pensée se reconnaît – Spinoza n’a-t-il pas été combattu durant des décennies, et le spinozisme qualifié d’hérésie, tandis que Socrate était condamné à boire la ciguë pour avoir corrompu la jeunesse ? – Ainsi, c’est la thèse centrale d’Evelyne Thomas qu’il conviendra de discuter, en tant qu’elle résulte nécessairement des deux principes que nous avons identifiés : « Y a qu’ la beauté intérieure qui compte », et ce qu’on peut dire, avant même d’en venir à l’analyse conceptuelle, c’est que, c’est clair, y a que la beauté intérieure qui compte !

Pourtant, une première difficulté apparaît : s’il n’y a que la beauté intérieure qui compte, c’est-à-dire que la beauté intérieure est la seule chose qui compte, et que rien d’autre ne compte, comment peut-on affirmer, en même temps que « ce qui compte c’est de rester soi-même » ? En effet, cela signifie alors qu’il n’y a pas que la beauté intérieure qui compte, mais que ce qui compte aussi, c’est de rester soi-même. On le comprendra, le problème se résout si l’on considère qu’il s’agit là du même principe : la beauté intérieure est constitutive de l’identité.

Mais une seconde difficulté naît de cette conjecture : si c’est bien la beauté intérieure – qu’il nous appartiendra de définir – qui constitue l’identité, comment expliquer que les débats, c’est-à-dire les affirmations, objections et réponses développées dans l’œuvre d’Evelyne Thomas, C’est mon choix!, concernent essentiellement l’apparence, c’est-à-dire la beauté extérieure : « je sais que je suis belle, arrêtez de me le dire ! », ou « j’aime les gros seins » ou encore « je préfère les grosses ». On saisit dès lors les rapports problématiques qu’entretiennent identité et apparence, et la nécessité de les éclaircir.

Nous nous proposons donc d'étudier cette pensée profonde et exigente à l'occasion d'une série de cours qui seront dispensés dans ces pages.

Cours 1: propédeutique philologique

Cette semaine, nous nous contenterons d'introduire au langage thomassien.

D’emblée, nous avons remarqué le paradoxe inhérent à la philosophie thomassienne qui affirme une thèse puissante, « on ne doit pas juger selon l’apparence », alors qu’elle traite surtout de l’apparence, comme par exemple dans sa belle étude de mammographie, « mes seins, c’est ma fierté ! ». Alors, de deux choses l’une, soit la pensée thomassienne est absurde, parce qu’au fond, Evelyne Thomas ne pense pas, soit le paradoxe fait sens.  Or, si tout le monde sait que Jean-Louis Debré n’a pas de cerveau, on ne peut en dire autant d’Evelyne Thomas qui, rappelons-le, a fait science pô – alors, si a’ l’a fait science pô, ben a’ doit en savoir des trucs, pasque Nicolas sarkozy, y sait tout aussi.

Une telle contradiction a pourtant laissé les commentateurs dans l’embarras, et si Pierre Aubenque s’est bel et bien confronté aux apparentes contradictions de la métaphysique aristotélicienne[1], sa grande prudence l’a laissé loin des méandres de la philosophie thomassienne. Nous pensons que la difficulté d’approche tient à la singularité de la langue, et la maîtrise des concepts thomassiens demande une étude philologique préalable. « Là où l’histoire est muette, nous indique M. Aubenque lui-même, il ne reste qu’à écouter la voix sans visage des textes »[2]. Mais le premier problème est le suivant : le texte d’Evelyne Thomas ne ressemble à rien, et sa langue hermétique présente les mêmes difficultés que celle de Montaigne. Or, après avoir confronté les textes entre eux, nous pouvons risquer les interprétations suivantes :

« le mari à ma sœur ». Le « à » s’emploie sans doute comme un génitif, et peut donc se comprendre comme le « de » du français exotérique. Ainsi, on peut traduire la formule précédente par « le mari de ma sœur ».

« entre parenthèse », en langage thomassien signifie « entre guillemets », expression qui elle-même a la fonction de signaler une phrase que le locuteur souligne ou encadre d’un halo de subtilité. « Bon, je dirais que ma mère est, entre guillemets, ceci, cela ».

« les gens y croivent pas que… » Les formes verbales se conjuguent de manière singulière. « Y croivent », formule récurrente dans les textes thomassistes, pourrait rappeler les origines historiques du cercle thomassiste, soit qu’elle se réfère à la croix des templiers et désigne en général les croisades, soit qu’elle porte plus explicitement sur les Rose-Croix. Quoiqu’il en soit, il s’agit en réalité du verbe « croire » qui comporte toujours un « v », quels que soient le mode et le temps.

« Que je soye… » Le verbe être est souvent écrit avec « y », et les textes thomassistes sont typiques d’un français Renaissance caractéristique de l’humanisme, dans lesquels y a des « y » partout. C’est vrai, quand on lit Montaigne, on a l’impression qu’il met des « y » partout[3] (cela dit, il met aussi des « s » partout, et des « z » -  et puis des « c », aussi). On remarquera d’ailleurs que l’« être » thomassiste est le verbe le plus éloigné du français exotérique, sans doute parce que l’Etre constitue le concept central de cette philosophie qui, disons-le clairement, se présente comme une métaphysique essentialiste, dont les liens avec les ontologies platonicienne et parménidienne, ne sont plus à démontrer. Ainsi « Si elle serait pas grosse… » est bien un conditionnel. La solution, pour le néophyte, ou, oserions-nous dire, pour le profane, consiste à ne jamais faire attention à la forme conjuguée du verbe être dans un texte thomassien, mais à toujours en inférer le sens à partir du contexte, tant il est vrai qu’en fait, on comprend rien. Il convient d’ailleurs de noter que l’auxiliaire « avoir » répond aux mêmes règles, autrement dit à pas de règles. « Si elle aurait été grosse… », peut-on ainsi lire quelques fois.

            

« Les gens y croivent pas que le mari à ma sœur il l’aime, malgré qu’[4]elle soye grosse», est le type de proposition récurrente dans le cercle thomassiste, qui d’abord réfractaire à toute compréhension, nous apparaît désormais avec plus de clarté.

      

            Le vocabulaire thomassien doit aussi être expliqué, car il sera plus facile au lecteur de suivre la cohérence de sa pensée. Aussi secrète et sibylline qu’un manuel alchimique, l’œuvre d’Evelyne Thomas est pourtant remplie d’aphorismes qu’il est bon de définir ici, avant d’interroger sa thèse essentielle, « y a qu’la beauté intérieure qui compte » :

Je suis bluffée ! : cette expression n’est utilisée que par Evelyne Thomas, et le « public » semble ne pas pouvoir la dire. Evelyne Thomas exprime par là son étonnement – « thomazein », en grec, tel que le disait Aristote, faut-il donc voir un rapport entre Evelyne Thomas et Thomazein ? – . S’étonner c’est prendre conscience de son ignorance, et Evelyne Thomas en prend conscience tous les jours, donc, on se dit qu’à force, elle devrait le savoir. Ce qui la « bluffe » le plus, ce sont les performances physiques : un transformiste qui ressemble à Mylène Farmer, ou un maître yogi[5] qui peut entrer tout entier dans une petite boîte en plexiglas.

            « Je suis bluffé » indique qu’Evelyne Thomas vient de constater un phénomène qui se présente comme une objection à son système, puisque ce sont toujours les apparences qui la bluffent (un travelo, un gars à moitié à poil avec du maquillage sous les yeux pour qu’on croit qu’y sait faire du Kung-Fu). Or, on doit tenir qu’il ne faut pas juger selon l’apparence. Ainsi, lorsque l’apparence est indépassable, Evelyne Thomas préfère suspendre son jugement, à la manière pyrrhonienne, et dire « je suis bluffée ».

Vous l’avez connue avant, la voici maintenant ! : cette formule quasi incantatoire est utilisée par Evelyne Thomas lors de « tenues» entièrement consacrées au « relooking».

C’est votre choix !: cette formule annonce la clôture de chaque tenue du cercle thomassiste, et signifie : « On voit pas bien pourquoi on a parlé de ça pendant une demi-heure, puisque, premièrement, c’est pas intéressant et que, deuxièmement, vous faites ce que vous voulez de toute façon ».

         

                                                                                                   à suivre...

(prochain cours: la morale thomassienne)

[1] Le problème de l’être chez Aristote, PUF  « Quadrige ».

[2] Op. cit. p. 16.

[3] « J’ai dit tout cecy pour maintenir cette ressemblance qu’il y a aux choses humaines, et pour nous ramener joindre au nombre. Nous ne sommes ny au dessus ny au dessoubs du reste : tout ce qui est sous le Ciel, dit le sage, court une loy et fortune pareille » , MONTAIGNE, Les essais, II, chapitre XII, 10/18, p. 181. Cinq « y » en cinq lignes, ce qui fait à peu près un « y » par ligne.

[4] On notera également que la langue thomassienne contient des « que » partout.

[5] Georges Canguilhem, grand philosophe des sciences et président inoubliable de l’agrégation de philosophie fait part d’un même étonnement dans sa thèse de médecine : «Ch. Laubry et Th. Brosse ont étudié , grâce aux techniques les plus modernes d’enregistrement, les effets physiologiques de la discipline religieuse qui permet aux yogis hindous la maîtrise presque intégrale des fonctions de la vie végétative. Cette maîtrise est telle qu’elle parvient à la régulation des mouvements péristaltiques et antipéristaltiques, à l’usage en tous sens du jeu des sphincters anal et vésical, abolissant ainsi la distinction physiologique des systèmes musculaires strié et lisse » (Le normal et le pathologique, PUF, « Quadrige », p. 106).

                On remarquera encore la concision de la pensée thomassienne qui affirme « je suis bluffée », lorsque Canguilhem a besoin d’une thèse de 157 pages pour dire la même chose ! 


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Commentaires
N
Je vais de ce pas conseiller à mes mouflets de terminale de jeter un oeil à cet exposé clair et juste de la pensée thomassienne. J'espère seulement qu'ils n'auront pas oublié, sinon connu, la période de gloire de cette empafée!<br /> Derechef!
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